Pourquoi sommes-nous émotifs ?

Réf. blog : TP4 - Date de mise à jour : 12-01-2021


L' émotivité » est en réalité une déformation, plus ou moins importante, des informations perçues, pour leur donner ou accentuer leur couleur positive ou négative.
En ce sens, l'émotion apporter la motivation pour atteindre un but.

Par exemple, nous sommes capable de nous enthousiasmer pour une idée, de rougir facilement de plaisir ou de honte, de perdre nos moyens, de nous mettre en colère, d'être facilement déstabilisé, de devenir passionné...

 


Il y a en réalité de multiples sortes d'émotivités.

 
Il existe en réalité plusieurs sortes d'émotion, en fonction des points « sensibles » des personnes : par exemple, Pierre ressentira une forte émotion si on le critique, mais pas du tout s'il se fait battre pendant une partie de golf ; et pour Jules, ce sera l'inverse.


Ces préférences dans l'émotivité s'expliquent par des « valeurs » différentes de ces deux personnes : Pierre attribue une grande importance à la valorisation par la considération des autres (il veut être aimé, jamais méprisé), Jules à la valorisation par la domination des autres (il veut être le premier en tout, et en particulier au golf).


On peut également distinguer différents degrés d'émotivité : un grand émotif réagira violemment à un événement donné, jugé insignifiant par un petit émotif.


 

Pourquoi la nature, l'évolution a-t-elle créé cette particularité, qui nous paraît être un handicap ?


L'émotivité est une « exagération » de l'information, et cette exagération permet une mobilisation des énergies du corps en vue de combattre une dévalorisation ou d'acquérir une valorisation.

Ces exagérations de l'information ont à l'origine une utilité pour une meilleure adaptation de la vie, parce qu'elles permettent de réagir très rapidement en cas d'urgence.
Par exemple, si un animal nous blesse, celui-ci sera associé à une forte dévalorisation, et par la suite, sa simple vue suffira à nous faire prendre la fuite...
On comprend d'ailleurs que la mémorisation sera d'autant plus forte que les événements perçus sont importants pour nous.
Il est clair qu'une meilleure mémorisation des situations est essentielle, afin de ne pas oublier les situations dangereuses ou bénéfiques.


Comment peut s'expliquer l'émotivité au niveau organique ?

D'un point de vue organique, l'émotivité « négative » a pour origine un organe, l'amygdale du cerveau.
L'amygdale, parce qu'il joue le rôle d'un « système d'alarme », attribue des valorisations « exagérées » à certaines perceptions qu'il juge fortement dangereuses ou bénéfiques, ce qui déforme l'information par rapport à la réalité.

Par exemple, on ressentira des « émotions » à la pensée d'un examen, d'un prochain entretien de recrutement, d'une personne qu'on déteste, d'une personne qu'on aime, d'enfants maltraités, etc.

Notons que ce jugement excessif de l'amygdale peut être cependant modéré grâce à la « raison », c'est-à-dire à la valorisation raisonnable donnée par le cortex préfrontal.

L'amygdale s'occupe des exagérations négatives, mais il existe aussi dans le cerveau un circuit d'exagération positive des émotions : c'est le « circuit de la récompense ».



Pourquoi l'émotivité entraîne-t-elle des effets visibles physiquement ?


L'amygdale, outre son rôle d'exagération des perceptions, possède un noyau chargé de créer des commandes internes du corps.

Pour cette raison, l'émotion a des conséquences mesurables physiquement sur le corps : rougeur, sueur, rythme cardiaque, tremblement. Ces « signaux d'alarme » ont pour but de nous avertir de l'importance de l'événement et de la nécessité de réagir vite.
Nos émotions sont donc des réactions intuitives, non contrôlables.


Ainsi, l'annonce d'une nouvelle importante, qu'elle soit bonne ou mauvaise, produit sur une personne très émotive un véritable "choc" physique : cœur qui bas, montée de chaleur au visage, évanouissement.

Ainsi, chaque fois qu'elle passait un examen oral, j'avais une amie qui devait être rassurée quelques minutes par l'examinateur, parce que, au début de l'entretien, elle était terriblement troublée : bafouillant et rougissant tout à la fois, elle devenait incapable de s'exprimer convenablement.
 
Nos émotions sont à la base de nos personnalités

C'est grâce aux émotions que nous sommes tous si différents, et avons chacun une personnalité propre. Sans elles, nous nous ressemblerions tous considérablement.
Remarquons encore que, parce que l'être humain possède un bon esprit d'analyse (aptitude à faire des apprentissages comparatifs), il pourra prendre conscience de la déformation due à son émotivité, et pourra tenter de la contrôler, de l'atténuer.



L'émotivité influence notre comportement et notre jugement.

Les émotions avaient certes un rôle d'alarme nécessaire et incontestable dans les temps lointains, où le danger était présent à chaque instant.
A notre époque, très sécurisée, démultiplier l'importance du moindre événement peut être en effet handicapant dans la vie quotidienne.

Cependant, bien contrôlée, l'aptitude d'émotivité apporte aussi une meilleure mémorisation, une mobilisation, une détection, une détermination, un enthousiasme, une énergie puissante, ce qui est un atout pour atteindre ses objectifs.
Donnons un exemple :
Les excellents vendeurs sont généralement des personnes qui possèdent une forte sensibilité, ainsi qu'une émotivité orientée sur les relations humains. Ils accordent beaucoup d'importance à établir des bonnes relations avec les autres ; au cours d'une conversation, ils ressentent la moindre gêne, le plus petit signal négatif.
Supposons par exemple que Louis, vendeur, possède une forte sensibilité et une faible émotivité pour les relations humaines. Cela lui nuira : en effet, il arrivera souvent qu'un client, dans le fil de la conversation, fasse passer imperceptiblement une légère remarque négative (augurant qu'il ne souhaite pas acheter).

Puisque Louis est sensible, il percevra bien la critique sur l'instant, mais, comme elle est noyée dans un flot d'informations, et qu'il ne ressent pas d'émotion particulière, il n'y accordera pas d'importance, puis l'oubliera.
Si Louis était émotif (pour ce qui touche aux rapports humains), son cœur aurait battu plus fort au moment de la remarque discordante, et cette information aurait alors pris une grande place dans son esprit, car elle est source de dévalorisation pour lui. Immédiatement, il aurait probablement cherché à résoudre le problème avec ce client, afin de détruire l'objection : le client aurait été rassuré, ce qui aurait apporté à Louis de meilleures chances de réussir la vente.
 
L'émotivité liée à l'opinion des autres développe la sensibilité.


Considérons celui qui, depuis l'enfance, axe son émotivité sur le regard d'autrui. Il accordera une importance exagérée à l'opinion des autres êtres humains à son égard, il cherchera à les comprendre, à leur plaire, il va développer son aptitude à percevoir les signaux en provenance des autres : ainsi, en raison de son intérêt pour autrui, il retiendra plus facilement les perceptions humaines.
Il développera donc fortement son aptitude de sensibilité (plus généralement, une émotivité orientée vers une aptitude développe celle-ci).

 
Quand l'émotion nous induit en erreur.


Ainsi, Marie, émotive orientée vers le regard des autres pourra, en raison d'une humiliation fortement ressentie, détester Catherine : la vision de celle-ci, ou la simple pensée de celle-ci, lui rappelle cette humiliation, associée à un sentiment si désagréable et dévalorisant qu'elle ne peut pardonner ; Marie se dit en effet qu'il faut être bien méchant pour faire autant de mal aux autres.
Il faudra attendre que la colère soit passée, pour que Maris accepte éventuellement de revoir son jugement, qu'elle pourra lors estimer excessif ou non ...

Peut-être vous-même, avez-vous parfois été surpris d'apprendre qu'untel vous voue une rancune tenace parce que, il y a un mois, vous aviez dit telle chose qui l'a vexé.
Votre surprise vient du fait que vous avez négligé l'impact de vos propos prononcés ce jour-là. C'était peut-être un peu vif, pensez-vous, mais cela n'aurait pas dû porter à conséquence : l'importance de vos paroles a été largement exagérée.



Nos émotions proviennent souvent de « traumatismes » initiaux qui ne s'effacent pas.

Ce sont souvent de petits « traumatismes » générés par l'amygdale du cerveau qui sont à l'origine de nos émotions.
Telle perception, image, situation, son, odeur, mémorisée avec une dévalorisation forte, nous fera immédiatement ressentir un sentiment spécifique dévalorisant : répulsion, peur, panique, dégoût, haine...

Ainsi, certaines personnes paniquent à la simple vue d'un chien : elles ont associé définitivement l'image de l'animal à un danger important, par exemple parce qu'elles ont été mordues par un chien durant leur enfance.


Inversement, d'autres perceptions seront associées à une valorisation positive forte : plaisir, excitation, joie, amour… Nous connaissons l'exemple de Proust qui ressentait un plaisir intense en mangeant une madeleine trempée dans son thé, parce que cela lui rappelait les goûters chez sa tante durant son enfance.
Très généralement, chacun de nous possède ses propres « traumatismes », très souvent « légers », et plus ou moins forts suivant les sujets. C'est ce qui nous fait dire de quelqu'un « il est sensible sur ce sujet » ou « c'est un sujet tabou pour lui ».
Dans Tintin (Album « Objectif lune »), le professeur Tournesol se met dans une colère incontrôlée parce que le capitaine Haddock le traite de « zouave ».
De même, dans nos vies quotidiennes, chacun de nous est sensible sur des « sujets » qui l'indisposent (ou inversement qui le stimulent) : Suzanne ne supporte pas d'entendre des mots grossiers, Paul qu'on le touche, ou encore Martin est excessivement pudique ; à l'inverse, Bruno adore la sonorité des jurons, Richard aime le contact, et Frédéric est un peu exhibitionniste.
 
Quand un traumatisme crée la susceptibilité.
Un enfant qui a le sentiment à longueur de journée (et cela peut en particulier résulter de l'attitude de ses frères et sœurs aînés à son égard) qu'il n'est bon à rien, pourra être « traumatisé » relativement à l'idée de ce qu'il vaut aux yeux des autres.
En grandissant, il supportera mal tous les propos susceptibles de remettre en cause sa valeur, se mettant par exemple en colère immédiatement.
Si cette susceptibilité est extrême, il deviendra asocial, et ne supportera plus personne, hormis le peu de personnes qui ne remettent jamais en cause sa « valeur » : en général sa famille, son époux ou épouse, quelques amis.
Pour cette raison, certains d'entre nous auront une manifestation émotive forte s'ils se sentent dénigrés.
A l'idée de se sentir « nuls », ils seront déstabilisés, rougiront violemment ou ressentiront une forte colère.
Ainsi, Jeanne se dispute avec son mari parce qu'il lui a demandé de ne pas oublier de renvoyer tel papier administratif. Pour Jeanne, cette remarque signifie qu'il la juge incapable de se rappeler seule des choses importantes, qu'il la prend pour une idiote, et cela la met très en colère.
Pourtant, son mari voulait simplement éviter un oubli préjudiciable : lui-même apprécie qu'on lui rappelle les choses importantes !
 
Le traumatisme qui nous apprend à réfléchir avant d'agir.
 
Tous les êtres humains apprennent dès l'enfance, avec l'expérience, qu'une mauvaise décision ou réaction peut avoir des conséquences importantes en terme de valorisation ou dévalorisation. Ils apprennent ainsi à se retenir d'agir, à ne pas agir systématiquement suivant leurs instincts, et c'est là l'un des rôles importants de l'éducation.
Cependant, l'apprentissage de cette règle de « non-action » dans des situations douloureuses peut parfois donner lieu à un « traumatisme », c'est-à-dire une exagération des conséquences de l'action, qui empêche l'individu d'agir.
Par exemple, comment doit-on réagir face à une personne agressive verbalement ? Faut-il se défendre, ou au contraire se taire, afin d'éviter d'être encore plus fortement injurié ou de recevoir un coup de poing ?
Certains préféreront se retenir d'agir, par une « prudence » que d'autres appellent faiblesse, par crainte qu'une action entraîne une dévalorisation future encore plus forte. A l'extrême, ils deviennent même incapables de prendre la moindre décision : ils se déchargent sur un conjoint, un ami, un conseiller, un « maître », un gourou, un voyant, un coach.
Cette crainte intuitive, toujours associée à une émotion de peur plus ou moins forte, cette volonté de ne rien décider immédiatement par peur de l'inconnu, est appelée « secondarité » .
Elle résulte d'un « traumatisme » (au sens large) de l'enfance. Bien évidemment, pour des raisons génétiques, des enfants mis en situations identiques n'auront pas tous la même secondarité.
Devenu adulte, le secondaire justifiera, souvent à raison, son inaction immédiate par la volonté de rechercher des informations et de réfléchir avant de décider quoi que ce soit.
 

 
L'émotivité peut être contrôlée.
Une personne émotive, c'est-à-dire qui agit et décide d'après ses traumatismes, qu'ils soient colère, susceptibilité, secondarité, peur etc., peut apprendre, avec le temps, l'expérience, et les erreurs vécues, à corriger ses exagérations.
Pour cela, elle doit comprendre que les solutions justes à un problème ne sont pas toujours celles que propose d'abord son émotion : certaines le sont, d'autres non. Elle apprend que souvent, ses meilleures décisions seront prises « à froid », lorsque son émotion est moindre, parce que sa raison lui apporte alors d'autres informations, plus objectives. Cela s'explique très bien biologiquement  : en cas d'urgence (ce qui est le cas lorsque nous avons des émotions), l'amygdale, déconnecte le cortex préfrontal (il constitue notre « raison »), et prend donc les décisions seul.
Avec l'expérience, apprenant à utiliser son cerveau raisonnable (le cortex préfrontal), un émotif peut donc finir par contrôler, raisonner ses émotions dans de multiples situations ; ses émotions n'apparaissent alors plus dans ces contextes, et les gens pourront même penser qu'il est très peu émotif.
Inversement, certains d'entre nous savent s'enthousiasmer sur mesure, se « donnent des émotions » et une énergie supplémentaire, dans le but de favoriser un objectif donné. Je connaissais ainsi un garçon qui faisait de la boxe, et qui, à chaque début de match, s'obligeait à trouver son adversaire antipathique et haïssable, parce que cela, disait-il, « faisait monter son adrénaline », lui donnait une force et une motivation supplémentaire dans le combat.

 

[Le caractère]